Paroles d’expert : l’écologie de la liberté – Alexandre Jollien
Alexandre Jollien : Oïkos désigne en grec « la maison, l’habitat ». L’écologie pourrait être cet art de cohabiter joyeusement. Tous, nous sommes colocataires de cette belle planète bleue. Pourquoi donc se tirer dans les pattes et considérer l’autre comme un rival ? Comment devenir vraiment des coéquipiers solidaires et tenter l’aventure les uns avec les autres ?
Questionner nos relations
Le défi écologique ne saurait se vivre dans la pure abstraction. Il implique une foule d’interrogations concrètes qui façonnent ultimement notre quotidien. Quelles relations entretenons-nous avec la nature ? Constitue-t-elle un magasin, un self-service, une boîte à outils où consommer des arbres, des animaux, utiliser et jeter ? Pourquoi considérer l’univers entier comme un immense supermarché ? Faut-il nous en mettre plein la panse dans une totale indifférence au déluge que nous pouvons déclencher ? Garder la sagesse en ligne de mire, c’est peut-être revisiter la façon d’habiter ce monde, envisager les liens que je tisse avec les hommes et les femmes qui m’est donné de rencontrer.
Se donner au monde
La nature vient sans cesse nous rappeler, et c’est heureux, que nous ne sommes pas le centre du monde. Assurément, il y a plus grand que nous. C’est force, sa majesté nous extrait plus ou moins gentiment du « moi – je », du consommateur qui peut sommeiller en nous. Au sommet d’une montagne, au pied d’un arbre, en compagnie d’un être humain, comment ne pas expérimenter la grandeur du cosmos infiniment plus vaste que les frontières étroites et fragiles de notre individualité ? L’écologie nous lance un appel : convertir, croître intérieurement, sortir du cachot du mental pour nous donner au monde.
Réhabiliter le lien
Afin de cohabiter tous ensemble dans cette gigantesque maison, il est urgent de réhabiliter le lien à soi, aux autres, au tout, et de nous ouvrir. Il devient pressant d’ouvrir porte des fenêtres pour que l’air circule et que jamais ne s’installe une odeur de renfermé. D’où un défi écologique majeur : habiter tous ensemble et ne laisser personne sur la touche.
Passer du « je au nous »
Comment soigner notre maison et prendre soin des êtres qui habite avec nous ? Sans jouer les Cassandre, ne faut-il pas passer en revue les pollution qui mène le vivre ensemble ? Dès maintenant, nous pouvons tout mettre en œuvre pour favoriser sans relâche le bon voisinage. Pour Plotin, l’âme devient ce qu’elle contemple. Où se pose notre regard du matin au soir ? De quoi se nourrit-t-il ? Le spectacle de la méchanceté, de la compétitivité, de la course folle, de la lutte pour la vie nous laisserait-t-elle indemne ? Revenir à la nature n’est pas déjà faire halte, ralentir, suspendre un peu cette avidité, bref passer du « je au nous ».
Source
À nous la liberté, comment se libérer de nos peurs, de nos préjugés, de nos dépendances, Christophe André, Alexandre Jollien, Matthieu Ricard, l’iconoclaste 2019
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